Corée du Sud

Economie décarbonée et secteur énergétique en Corée du Sud

Corée Affaires est parti à la rencontre de Thomas Comte, Directeur de projet en transition énergétique à Vallourec, ancien Président de la branche Japon et Corée de Vallourec & ancien Président du Comité énergie France-Corée.

  • Vous avez été président du Comité énergie France-Corée animé par la Chambre de Commerce France-Corée et impulsé sa fondation en 2018 ; pouvez-vous nous le présenter ?

Avec le soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-coréenne, nous avons lancé le 12 février 2018 le Comité énergie France-Corée. Le Comité est composé d’un noyau dur de 6 sociétés françaises du secteur énergétique établies en Corée.

En 2019, au regard de l’intérêt de ses membres pour échanger sur la veille, l’environnement des affaires ainsi que les différentes solutions technologiques, nous avons décidé de l’élargir aux acteurs coréens, comme le Ministère de l’industrie, du commerce et de l’énergie, les universités et les grands groupes industriels tels que les équipementiers. Cette ouverture est en ligne avec notre objectif de stimuler la coopération entre nos deux pays tout en favorisant l’innovation pour une économie moins carbonée. A l’été 2019, nous comptions ainsi une vingtaine de membres, PME et grandes entreprises sur toute la chaîne de valeur de l’amont à l’aval des secteurs énergétiques.

  • Pouvez-vous nous partager votre point de vue sur les évolutions des marchés de l’énergie en Corée ?

Le marché évolue fortement au regard des engagements pris par la Corée dans le cadre des COP21 et COP22. La Corée est à la croisée des chemins : depuis l’élection du président Moon Jae-In, son administration a adopté une approche volontariste avec la mise en place du « plan 3020 », c’est-à-dire 20% du mix de production électrique à partir des renouvelables dès 2030. Cette politique a un impact important car certains projets thermiques et nucléaires ont été arrêté. De nouveaux programmes sur les renouvelables ont été mis en place visant à former des clusters nationaux autour d’universités et d’industriels, comme le projet éolien off-shore à grande échelle dans le sud-ouest. Le secteur de l’hydrogène commence à se structurer, les écoquartiers se développent et la mobilité verte émerge, notamment à Jeju.

Les conséquences sont importantes sur le tissu industriel coréen, notamment les équipementiers qui doivent s’adapter rapidement à ce nouvel environnement. Les consommateurs font aussi des efforts sur ce sujet, car ils subissent des augmentations significative et régulière des prix de l’électricité.

  • Pensez-vous que les mentalités changent concernant le respect de l’environnement ?

Tout à fait, la prise de conscience est assez récente et soudaine, notamment au regard de la pollution de l’air. Quand les pics dépassent 100 sur l’échelle IQA (Indice de Qualité de l’Air) plusieurs jours par semaine, comme cela a été le cas de nombreux mois en 2019, il s’agit d’un signal d’alarme pour la santé des personnes fragiles en particulier. En parallèle, la communication des acteurs publics sur le sujet est très forte et contribue à l’effort de prise de conscience.

Ainsi, sur certains sujets les coréens ont un bon niveau d’éco-conscience : on le voit au niveau du tri des déchets par exemple, mais tous n appréhendent pas encore complètement les transformations que cela implique sur le tissu industriel, ni sur les évolutions sur les formations et les emplois à venir.

  • Quels constats faites-vous sur les nouveaux marchés de la transition énergétique : le carbone, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ?

En matière du prix du carbone, la Corée, à l’instar de l’Union Européenne, a fait le choix en 2015 d’instaurer un marché de quota d’émissions. 600 entreprises y prennent part et peuvent y acheter et vendre des quotas d’émissions. Dans les prochaines années, notamment la phase 3 (2021-2023), il est fort probable que le gouvernement élargisse le marché à de nouveaux acteurs tels que les banques publiques pour accélérer les transactions et rendre le système plus incitatif.

Du côté des Energies Renouvelables, la croissance de ce marché repose sur deux axes : le solaire photovoltaïque et l’éolien, en particulier l’éolien en mer. Le plan « RE3020 » est ambitieux : il prévoit 30GW de capacité photovoltaïque et plus de 16 GW de capacité éolienne à installer en à peine plus d’une décennie. C’est très ambitieux compte tenu des capacités actuelles. Les premiers projets d’éoliennes en mer produisent d’ores et déjà de l’électricité au large de l’île de Jeju, avec la ferme de Tamra.

On constate aussi que l’approche coréenne est plutôt axée sur l’offre, et non sur la demande. Ainsi, l’efficacité énergétique est à ces débuts. Néanmoins dans le 8e plan de planification de l’énergie, le gouvernement a revu à la baisse le pic de demande d’électricité à l’horizon 2030, marquant une baisse de 11% comparativement au 7e plan national.

  • Comment les entreprises coréennes se positionnent-elles par rapport à ces changements ?

Nous sommes à l’aube de la 4e Révolution Industrielle : l’ère du digital et de l’intégration des services. Le tissu industriel coréen qui a contribué au succès de la Corée depuis les années 70 est en train de se transformer structurellement, et nous observons un phénomène d’intégration dans certains secteurs.

Par exemple, les grands groupes pétrochimiques coréens investissent dans la production de panneaux solaires ou de batteries électriques pour véhicules. Sur ces deux secteurs, les coréens sont d’ores et déjà des acteurs mondiaux incontournables et continuent d’investir massivement.

Le fait d’avoir intégré les électriciens et équipementiers coréens dans le Comité énergie France-Corée permet de partager leur perception de cette révolution, de découvrir comment elles opèrent, de partager les meilleures pratiques et surtout de repérer les opportunités de coopération sur toute la chaîne de valeur.

  • Quels conseils donneriez-vous pour les entreprises étrangères qui souhaitent s’aventurer sur le marché local de l’énergie ?

Une des premières difficultés est la configuration du pays : il est de taille réduite, avec un relief montagneux, très construit et densément peuplé, ce qui complique l’installation de nouveaux équipements. D’autre part, la réglementation est complexe au niveau fiscal et douanier : il faut se faire accompagner par des experts.

Il est également primordial d’être sur place pour comprendre l’évolution rapide de l’économie et se nourrir des expériences d’autres entreprises étrangères, et de ne pas considérer la Corée comme l’une des étapes d’une tournée en Asie. La Corée est un pays où il faut investir sur la durée, connaître les acteurs et construire des relations sur des années pour se forger une analyse fine des spécificités du pays au-delà des aspects linguistiques et culturels. A ce titre, la Chambre de Commerce franco-coréenne, ainsi que Business France sont autant d’atouts précieux pour aider les entreprises françaises en Corée à s’installer ou les groupes coréens à investir en France. Enfin, je mentionnerai aussi la belle opportunité que représente pour la Corée d’accueillir le siège mondial du Fonds Vert pour le Climat près d’Incheon, qui est une importante structure de l’ONU dédiée à collecter les fonds de la COP pour développer des projets « verts » dans les pays émergents. Nous avons eu la chance de les intégrer dans certains travaux du comité récemment et de rencontrer leurs dirigeants.

Malgré les barrières évoquées, la Corée dispose d’atouts majeurs dans l’innovation et sa capacité d’action rapide. Je suis toujours impressionné par la capacité de mobilisation pour une cause, c’est-à-dire l’alignement des moyens du gouvernement, du secteur privé et des associations professionnelles pour une cause nationale, comme l’économie verte et l’innovation. Je viens de quitter la Corée pour revenir en France et je souhaite beaucoup de succès à mon ancien pays d’accueil, notamment sur sa transition énergétique qui est devenu un enjeu majeur.

 

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CCIF Corée du Sud
www.fkcci.com

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