Corée du Sud
Ville intelligente : le modèle coréen ?
Le "smart" est à la mode. La ville intelligente est plurielle. Quid de la Smart City à la coréenne dans un contexte où la transition digitale n’est plus une option mais une nécessité face à la compétition internationale ? Le Corée Affaires no 107 de la Chambre de Commerce franco-coréenne fait le point sur ces enjeux.
Nous sommes dans les années 90. L’expression "ville intelligente" émerge pour la première fois, popularisée par les multinationales privées, à l‘origine IBM, puis les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Pour les grandes entreprises, telles que Cisco, Siemens, Nokia, Veolia, Dassault, General Electric, Philips etc., la technologie et les nouveaux services sont les clés de la smart city. Les acteurs publics et les citoyens se saisissent aussi de ce concept populaire. Parfois surutilisée à des fins marketing, parfois vague aussi, l’expression « Smart City » fait face à un problème de sémantique persistant entre une approche collaborative et une approche technocentrée. Une définition proche de la réalité englobe sans doute ces deux dimensions, la première "bottom-up" et la seconde "top-down".
"Nous avons effectué une étude parmi les habitants de Sejong en leur posant la question : comment définiriez-vous la ville intelligente ? Nous étions inquiets, mais de façon surprenante, les participants ont répondu avec aise sur des solutions concrètes de l’amélioration de leur confort de vie", nous confie Mme Sohyun Park, présidente du Centre d’Architecture et de Recherche Urbaine (AURI). "C’était le départ, ensuite les services innovants combinés aux nouveaux business models se sont développés autour de cette recherche de qualité de vie", ajoute-t-elle.
Selon Julien Damon, professeur à Sciences Po, dans un rapport de l’Institut de l’Entreprise, la ville intelligente doit répondre à plusieurs objectifs : rendre les métropoles moins chères, plus efficaces et plus attractives. Qu’en est-il de la Corée ?
Pour la présidente de l’AURI, la ville intelligente coréenne est une longue histoire : « avant la Smart City, nous avons eu l’expérience de la ville ubiquitaire. [Elle] est présente depuis longtemps mais bénéficie aujourd’hui d’un momentum avec le gouvernement actuel qui a fixé deux priorités concernant le développement urbain : la régénération urbaine et la Smart City ». Début des années 2000, la Péninsule fait partie des précurseurs avec le méga-projet de Songdo aux côtés de métropoles telles qu’Amsterdam, Dubaï, Yokohama ou encore Lyon. Songdo est aujourd’hui l’un des cas les plus cités sur la scène internationale. Situées au bord de la mer jaune dans la zone économique franche d’Incheon, les tours champignonnent depuis 2004 dans cette ville nouvelle pour un investissement total de 39 milliards de dollars versés par trois acteurs privés : le développeur américain Gale International, Morgan Stanley et CISCO. Un exemple caractéristique d’urbanisation soudaine selon une approche "top-down" dans cette ancienne zone rurale. Ce modèle de développement a rendu difficile la capacité à attirer de nombreux habitants dans cette ville nouvelle, qui la trouvent trop vide ou trop froide : elle compte aujourd’hui 100 000 habitants contre 300 000 originalement prévus, entrainant la chute des prix de l’immobilier.
Son quartier d’affaires peine aussi à attirer les investisseurs étrangers malgré un régime fiscal avantageux et autres incitations. A la place des tours de bureaux, ce sont les quartiers résidentiels qui ont vu le jour.
Pourtant, Songdo et les deux zones alentour promettent aux citoyens d’accéder partout et à tout moment à divers services de la ville. Interconnexion des infrastructures, domotique dans les bâtiments, capteurs dans les rues pour détecter les incidents : les technologies mises en place doivent répondre du même mot d’ordre "créer le milieu de vie optimal". A Sejong aussi, la ville développe un quartier piéton à énergie positive et a mis en place un réseau souterrain automatisé de gestion des déchets. "Notre département sur les Smart Grids se concentre sur l’architecture verte mêlée avec l’approche des villes intelligentes. Nous voyons déjà des résultats en termes de réduction des factures d’électricité et des émissions carbone" nous affirme Sohyun Park.
Poussée par un fort volontarisme politique et/ou des intérêts de groupes privés, ces utopies high-tech inspirent les pays émergents. "Il y a deux ans, nous avons fourni des services de consulting au gouvernement vietnamien pour qu’ils se saisissent de notre approche et concept de la Smart city" nous confie M. Ryan Lee, Directeur du Centre de Gestion intégrée de la Smart City d’IFEZ, lors du Comité Innovation de la FKCCI. En effet, la plateforme cherche à s’exporter dans les pays sud-est asiatiques ainsi qu’au Moyen-Orient. En Inde, elle propose un système de surveillance des données environnementales par drone tandis qu’elle prévoit de partager ses savoir-faire avec les projets de développement des infrastructures en Arabie saoudite.
Pour Ryan Lee, la Smart City coréenne a basculé d’un modèle conventionnel de développement urbain – plan à long-terme, concentration sur les infrastructures physiques et les espaces résidentiels – à un modèle non-conventionnel, c’est-à-dire une planification étape par étape, une maximisation de l’efficacité des investissements et des services basés sur le Cloud avec une volonté d’attirer les solutions des entreprises privées.
"Quelles sont les prochaines étapes ? Nous disposons déjà des infrastructures et des données publiques, issues des caméras CCTV ou des transports, mais avons besoin désormais de communiquer avec les entreprises qui détiennent les données privées […] et les capacités d’analyses nécessaires, telles que les entreprises internationales des services
Cloud" affirme-t-il.
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CCIF Corée du sud
Oriane LEMAIRE
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